Lorsque j'étais chez Toyota, nemawashi était un terme aussi commun que kaizen
Auteur : Tracey Richardson (@thetoyotagal)
Source : In my time at Toyota, nemawashi was as common as the word kaizen
Date : 15/08/2012
Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 01/09/2012
Traduction :
Nema-quoi ? C'est souvent la réponse qu'on me fait lorsque j'utilise ce terme avec les clients ou les individus qui ont emprunté la voie du lean. Je souhaiterais juste prendre quelques minutes pour vous expliquer le mot et son sens parce que je pense que beaucoup de personnes font une mauvaise utilisation de ce terme / concept, et parfois, il peut se révéler très utile que tout le monde regarde avec les mêmes lunettes. Les Japonais utilisaient souvent des métaphores comme "préparer le sol" ou "creuser autour des racines" pour réussir une plantation ou une transplantation, certains disaient aussi "poser les fondations". Je le décris souvent comme obtenir un consensus ou obtenir le soutien des autres, partager des idées, ENGAGER et impliquer les personnes dans un processus centré la plupart du temps dans un contexte PDCA (Plan Do Check Act). Alors qu'est-ce que tout cela signifie dans notre vie quotidienne ou avec nos responsabilités professionnelles ? Est-ce c'est quelque chose que nous faisons TOUT le temps ? Seulement avec des problèmes qui sont fortement pondérés par nos indicateurs d'activité ? A seulement certains niveaux de l'organisation ? Voilà le type de questions qu'on me pose lorsque le terme nemawashi est utilisé. Pour moi, ce devrait être une attente de tout individu au sein de l'entreprise, une pratique standardisée, et aucune exception ne devrait être faite à mon avis. Lorsque vous réfléchissez à la métaphore "préparer le sol", si vous plantez un arbre et que vous ne suivez pas le processus de plantation approprié (engrais et eau par exemple), pensez-vous que l'arbre prendra racine, se développera et s'épanouira ? Pensez-y de cette manière. Si nous oublions des choses comme engager les personnes, nous augmentons la probabilité de l'échec.
Lorsque j'étais chez Toyota, nemawashi était un terme aussi commun que kaizen (amélioration continue). Vous n'étiez pas supposé commencer une activité de résolution de problèmes ou d'amélioration sans intégrer nemawashi dans ce processus de réflexion de BOUT en BOUT (P à A, NdT : de Plan à Act). Cela semble facile, hein ? Eh bien, c'est en fait une discipline et ces habitudes ne s'adoptent pas si facilement. Un pourcentage élevé de mariages se terminent par un divorce, serait-ce un manque de nemawashi dans le couple ? Imaginez une vie de communication pour obtenir consensus et soutien de la part de votre moitié.
Une idée fausse dont je suis souvent témoin concernant le processus nemawashi est que nous ne l'utilisons que lorsque nous nous apprêtons à mettre en œuvre une idée, à communiquer quand quelque chose est sur le point de changer (phase d'implémentation des contre-mesures - DO). Malheureusement, je vois cela beaucoup trop souvent, je suppose que quelques tentatives valent mieux que pas de tentative du tout (un exemple récurrent : le premier poste (NdT : travail en feu continu) apporte une modification au processus et n'implique pas le deuxième poste, le deuxième poste arrive et dit : "Pourquoi est-ce arrivé ? Qui a changé cela ?". On fait donc machine arrière et le premier poste est contrarié, c'est un cercle vicieux, cela vous semble-t-il familier ? Ma question préférée en formation : "Lorsque vous utilisez le processus nemawashi, essayez-vous de "persuader" quelqu'un avec votre idée (ou lui imposer), ou cherchez vous à 'l'inciter" à contribuer ? Y a t-il une différence entre persuader/imposer et inciter ? J'espère bien que vous répondrez OUI ! Nemawashi vise à engager les personnes sur l'ensemble du processus de changement ou d'amélioration depuis le début même de la définition du problème dans un sens mesurable, et pas seulement lorsque vous êtes prêt à mettre en œuvre l'idée. Je pourrais fournir des exemples en politique, mais je préfère laisser ça de côté. :-)
Si nous parlons aux personnes uniquement lorsque nous sommes sur le point de mettre en œuvre quelque chose, nous perdons l'extraordinaire potentiel d'idées que chaque personne peut avoir pour améliorer le changement et améliorer le processus encore plus loin que ce que nous avions initialement imaginé, nous devons les considérer comme des professionnels détenant toutes les informations utiles, imposer quelque chose à ce stade va à l'encontre de notre nature humaine qui fait que personne n'aime qu'on lui "dise". Comme l'a dit Confucius : "Dis-moi et j’oublierai, montre-moi et je me souviendrai, implique-moi et je comprendrai". Donc, si nous les impliquons dès l'origine du problème, nous en apprendrons probablement beaucoup plus sur la chaîne de valeur ou le processus que le simple fait de les faire contribuer à la fin.
Prenons par exemple un processus de changement de modèle chez Toyota. Cela se produit tous les 5 ans dans la plupart des cas. C'est un exemple qui, je pense, nécessite nemawashi de l'idée de la conception jusqu'à la fabrication de la première voiture 5 ans plus tard. Beaucoup de cycles PDCA à petite et grande échelles auront lieu pour réussir ce lancement. Toyota est capable de constamment changer de modèle, ce qui signifie qu'ils n'ont jamais besoin d'arrêter la ligne de production pour mettre en oeuvre un nouveau modèle. Auparavant, de nombreuses entreprises avaient des "semaines d'arrêt" pour déployer la nouvelle ligne de production de la nouvelle voiture. Je n'ai parfois vu que 10 à 20 voitures se suivre entre deux changements de modèle chez TMMK (Toyota Motor Manufacturing Kentucky), et tout ça en 10 à 20 minutes. Maintenant, cela ne veut pas dire qu'ils ont 20 minutes pour tout changer, cela signifie simplement que le nemawashi a si bien réussi en termes de communication, participation et consensus (préparer le sol) à tous les niveaux qu'une période de temps minimale suffit pour s'assurer que nous sommes vraiment prêts. Pouvez-vous imaginer le taux de réussite si nous n'avions pas commencé ce processus dès l'origine de l'idée ? Que se passe-t-il si nous avons standardisé le travail sans jamais faire participer / engager les personnes qui le réalisent ? Dans quelle mesure peut-on considérer que c'est une réussite ? Malheureusement, cette situation est fréquente.
En tant que leader, lorsque nous avons des problèmes quotidiens, nous devrions mettre en oeuvre un processus qui consiste à poser des questions, à obtenir un consensus sur ce qui devrait se passer par rapport à ce qui se passe. Nous devons donner les pleins pouvoirs à chaque personne pour s'approprier le processus et prendre la responsabilité de communiquer ses idées ou ses meilleures pratiques, sans cela vous aurez une main-d'œuvre chaotique, épidermique voire réticente. Si j'essaie d'imposer des standards au lieu d'impliquer les personnes pour qu'ils participent à la création de ces standards, je dirais qu'il y a de très grandes chances que votre main-d'œuvre ait un moral très bas. Je l'ai souvent entendu en ces termes (leçon apprise avec mes formateurs chez Toyota) : "Si votre travail est engageant, alors il peut devenir votre passion, si quelque chose est simplement une corvée, elle peut devenir votre prison." Êtes-vous en prison ? Êtes-vous en train de créer un véritable milieu carcéral en ne faisant pas participer les personnes qui travaillent autour de vous ? Selon moi, sans la pratique quotidienne de nemawashi à tous les niveaux de l'organisation (horizontale et verticale), et sans toutes les étapes du PDCA passant par la définition du problème, le découpage du problème, l'obtention du consensus sur le processus, la découverte de l'origine du problème dans le processus, la question du pourquoi et l'identification des contre-mesures, vous êtes en train de passer complètement à côté du talent et de la sagesse des personnes qui travaillent autour de vous. Ne prenez pas de raccourci dans le changement de votre entreprise en essayant de les persuader, faites-les toujours participer !
Tracey Richardson
@thetoyotagal