Le Modèle de Supervision à 7 Yeux : une Carte pour Naviguer dans votre Supervision de Coaching

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Auteur : Marta Abramska
Source : The 7 Eyed Model of Supervision: A Map to Navigate Your Coaching Supervision
Date : 26/08/2020


Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 11/10/2022


Traduction :

Le modèle de supervision à 7 yeux (The Seven Eyed Supervision Model) est l'un des modèles de supervision les plus connus et les plus utilisés.

Il a été développé à partir des travaux de Peter Hawkins au début des années 80. À l'époque, Hawkins tentait de mieux comprendre les différences entre les styles de supervision et a conclu qu'elles étaient dues à la façon dont les superviseurs choisissaient de fixer leur attention. Le modèle a été développé (en 1985) par Peter Hawkins et Robin Shohet pour devenir ce que les superviseurs connaissent et utilisent aujourd'hui.

Une carte pour naviguer dans votre pratique de supervision

Dans leur livre "In Love With Supervision", Robin Shohet et Joan Shohet décrivent le modèle à 7 yeux comme suit :

une carte, un cadre de travail, avec lequel on peut observer le paysage de la supervision (...) [qui] permet aux gens de naviguer dans leur pratique de supervision avec une confiance croissante.

De nombreux jeunes superviseurs trouvent cela très juste. Le fait de se déplacer autour des sept yeux permet d'ouvrir la conversation relativement rapidement et de tirer des enseignements plus riches.

Au cœur de ce modèle, il s'agit d'inviter une diversité de points de vue et de perspectives. Il combine à la fois la compréhension psychodynamique et la compréhension systémique de la façon dont les choses sont liées. Il crée un espace pour l'exploration des relations en jeu. Il invite ouvertement les sentiments et les perceptions subjectives du superviseur à devenir une source d'information précieuse.

Au fur et à mesure que l'histoire de la relation de coaching se déploie dans une session de supervision de coaching, le rôle du superviseur est d'écouter les modes, ou les yeux, qui peuvent être utiles pour explorer la voie qui mène au résultat fixé par le coach (qui est également appelé "supervisé" dans cet article et dans la littérature).

Un superviseur compétent entre et sort de ces sept zones de réflexion, recueille des informations et aide le coach à brosser un tableau plus riche des différentes dynamiques en jeu.

La structure du modèle de supervision à 7 yeux

Les 7 yeux sont imbriqués dans deux systèmes complémentaires : Il y a le système coach-client et le système coach-superviseur. Chacun de ces systèmes s'inscrit dans un système plus large auquel chacune des trois parties (client, coach, superviseur) peut appartenir.

Ce contexte peut avoir une influence sur ce qui se passe dans la relation de coaching mais peut être occulté.

  • Mode 1. Le coaché
  • Mode 2. Les interventions du coach
  • Mode 3. La relation entre le coach et le coaché
  • Mode 4. La prise de conscience du coach
  • Mode 5. La relation de supervision
  • Mode 6. La réflexivité du superviseur
  • Mode 7. Le contexte élargi

Passons en revue chacun de ces yeux, ou modes, ou focales.

Mode 1. Le coaché

Dans ce mode, nous actualisons la conscience que le coach a de son client. Notre objectif est de faire en sorte que le client soit réellement présent dans la pièce.

Il est dans la nature humaine de permettre à nos interprétations subjectives de la réalité de devenir notre vérité. Il peut en être de même pour un coach qui se représente un client. L'image du client discutée en supervision peut être déformée par l'interprétation ou les émotions du coach.

La compétence du superviseur dans ce mode consiste à aider le coach à s'en tenir aux observations plutôt qu'aux interprétations. Les questions du superviseur aident à revenir aux faits, à séparer les données des idées préconçues.

Il peut s'agir de dresser un tableau complet du client, de réintroduire des informations qui ont pu être supprimées, ou d'approfondir la recherche de preuves derrière certaines déclarations (par exemple, "le client était triste" - "comment le savez-vous ? qu'a-t-il dit ou fait exactement ?"). Cela peut aider le coach à revenir sur ce qui s'est passé pendant la séance.

Les questions du mode 1 pourraient être les suivantes :

  • Décrivez le client. Quels sont les trois choses que vous aimeriez que je sache sur le client ?
  • Comment le client s'est-il présenté pendant la séance ?
  • Si vous vous imaginez dans la peau du client, comment vous sentez-vous dans votre corps ?
  • Incarnez le client. Quittez la pièce et revenez en tant que client.
  • Comment était l'énergie du client ?

Mode 2. Les interventions du coach

Ce mode se concentre sur la manière dont le coach travaille avec le client. Plus précisément, il s'agit d'explorer les interventions que le coach a faites, n'a pas faites ou pourrait faire à l'avenir.

Une intervention est tout ce qui s'est produit au cours de la session et qui provient du coach. Cela ne signifie pas nécessairement l'utilisation de techniques ou de modèles spécifiques. Une intervention peut être une question posée, une remarque humoristique ou un moment de silence. Choisir d'interrompre, ou non, est également une intervention.

Abraham Maslow a prononcé une phrase célèbre : "Si le seul outil dont vous disposez est un marteau, vous aborderez chaque chose comme un clou".

Dans ce mode, l'une des tâches du superviseur est d'aider le coach à éviter cet écueil en élargissant son répertoire d'interventions. Le travail peut inclure un brainstorming sur différentes options et l'exploration de leur impact. Il peut se traduire par un jeu de rôle avec différents scénarios, aidant le coach à expérimenter et à choisir comment il souhaite procéder lors de la prochaine session.

Ce mode requiert un équilibre délicat entre le rôle informatif du superviseur (partage des connaissances et des ressources supplémentaires) et le rôle de catalyseur (soutien apporté au coach pour qu'il trouve ses propres options). L'objectif ultime ici est d'apprendre à être créatif dans sa pratique de coaching plutôt que de compter sur le superviseur pour fournir des options prêtes à l'emploi.

Cela peut inclure l'exploration d'interventions qui semblent assez difficiles et audacieuses.

Robin Shohet pense que nous pouvons parfois avoir tendance à "tourner autour de nos clients, sous prétexte d'un regard positif inconditionnel".

Pour cette raison, ce mode peut également inclure l'expression d'interventions inimaginables. Même s'il est peu probable qu'elles soient retenues pour la session, il peut être cathartique de les exprimer et de faire remonter à la surface les pensées et les sentiments du coach. Plutôt que de les laisser occultées, le fait de jouer avec les options dans l'espace sécurisé de la session de supervision peut donner lieu à de puissants moments "a-ha".

Les questions du mode 2 pourraient être les suivantes :

  • Parlez-moi du moment où vous vous êtes senti bloqué. Qu'a dit exactement le client ? Qu'avez-vous dit ?
  • Réfléchissez à 10 autres façons possibles de répondre. Incluez-en au moins une réponse fantaisiste/délirante.
  • Qui d'autre connaissez-vous qui pourrait bien gérer cette situation ? Que feraient-ils ?

Mode 3. La relation entre le coach et le coaché

Ce mode consiste à aider le coach à se distancier de la relation afin qu'il puisse en faire l'expérience d'une manière nouvelle.

Dans leur livre "Coaching and Mentoring Supervision : Theory and Practice", Tatiana Bachkirova, Peter Jackson et David Clutterbuck citent le proverbe chinois qui dit que "le dernier à avoir conscience de la mer est le poisson car il y est constamment immergé".

Le Mode 3 consiste à aider le coach à sortir de l'"eau relationnelle" dans laquelle il nage habituellement.

Il s'agit de repérer les dynamiques en jeu entre le coach et le client qui peuvent avoir un impact sur l'efficacité du coaching.

Il s'agit également d'explorer si la relation coach-coaché peut être un miroir de ce qui se passe dans le monde du coaché.

Ce mode se prête bien à l'exploration d'une variété de métaphores de la relation. Cela favorise la prise de recul et permet de jeter un regard neuf sur les dynamiques en jeu.

Les questions du Mode 3 pourraient être les suivantes :

  • Si vous étiez ensemble sur une piste de danse, que se passerait-il ?
  • Si vous étiez tous les deux des animaux, quel genre d'animaux seriez-vous et pourquoi ?
  • Vous devenez une mouche sur le mur au cours de votre dernière séance ; que remarquez-vous sur votre relation ?

Mode 4. La prise de conscience du coach

Dans ce mode, nous nous distançons du coaché et nous nous concentrons sur les sentiments que le client suscite chez le coach. En d'autres termes, il s'agit de ce qui se passe pour le coach lorsqu'il voit son client.

Ce processus, également appelé contre-transfert, peut se présenter sous de nombreuses variantes, par exemple :

  • le client rappelle au coach quelqu'un de son entourage (par exemple, une figure parentale),
  • Le coach s'identifie trop au client et à sa situation,
  • le coach ressent le besoin de "sauver" le client,
  • le travail suscite les problématiques non résolues chez le coach,
  • le travail est influencé par le désir du coach de réussir en tant que coach et de provoquer une transformation,
  • les propres sentiments du coach, par exemple l'envie, la curiosité, la compassion, les préjugés.

[Différents types de contre-transfert sont traités dans le livre de John Rowan "The Reality Game" (1983 : 110-111, et développés par Joan et Robin Shohet dans "In love with supervision" (2020 : 101-102)].

Que nous nous y intéressions ou non, ces sentiments sont toujours présents. Ils peuvent être à l'origine du sentiment de satisfaction d'une grande alchimie avec un client, tout comme ils peuvent être à l'origine du sentiment d'appréhension avant une séance avec un autre client.

Parfois, ils peuvent se mettre en travers du chemin et bloquer le coach. A d'autres moments, ils peuvent se présenter comme une ressource formidable à utiliser. Notre travail en tant que superviseur est d'aider le coach à prendre conscience de ce qui peut se passer pour lui, en remarquant ce que le matériel apporté par le client stimule. Ce regard peut également porter sur l'exploration des hypothèses, des croyances et des valeurs du coach en relation avec le client.

Cela présente quelques avantages. Premièrement, cela aide le coach à devenir plus conscient de lui-même, en séparant ce qui lui appartient du matériel apporté par le coaché, augmentant ainsi sa capacité à être pleinement présent pour son client.

Deuxièmement, ces sentiments peuvent servir d'informations supplémentaires précieuses qu'il peut être utile de porter à l'attention du coaché.

Le mode 4 peut également être une discussion sur la pratique du coach de manière plus générale, y compris les limites de l'apprentissage et le développement des compétences.

En tant que superviseurs, nous pouvons découvrir que nous passons naturellement beaucoup de temps dans ce mode au cours d'une séance, car nous nous concentrons sur la personne supervisée en face de nous. Si tel est le cas, il est bon d'être attentif à cette "vision à un seul œil" et de créer un espace pour explorer d'autres modes également.

Les questions du Mode 4 pourraient être les suivantes :

  • Quelles sont les pensées et les sensations corporelles que vous éprouvez lorsque nous discutons de votre client ?
  • A qui, le cas échéant, votre client vous fait-il penser ? (En quoi se ressemblent-ils ? En quoi sont-ils différents ?)
  • Qu'aimeriez-vous que je sache le moins possible sur vous et votre client ?

Mode 5. La relation de supervision

Ce mode concerne la relation entre le coach et le superviseur.

Le concept de "processus parallèle" est au cœur de cette relation. Dans sa forme la plus simple, il peut être décrit par Joan Wilmot et Robin Shohet comme "le supervisé fera au superviseur ce que le client lui a fait".

Il existe bien sûr des variantes de ce principe. L'une d'entre elles est que le processus parallèle peut également fonctionner dans le sens opposé d'une dynamique de supervision qui se reflèterait dans la relation de coaching, mais pour les besoins de cet article, restons-en à sa forme la plus basique.

Par exemple : le client ressent et exprime de la colère pendant les séances de coaching, et le coach se comporte de la même manière envers le superviseur.

Il s'agit d'un processus largement inconscient pour le coach qui peut être une forme de purge ou une tentative de résoudre le problème en le remettant en scène ici et maintenant.

Dans la supervision, cet œil consiste à observer la relation et à examiner en quoi elle est similaire ou différente de la relation entre le coach et le client.

Le travail du superviseur dans ce mode (également dans le cadre du mode 6 ci-dessous) est de percevoir ses propres réactions et de les faire remonter au supervisé sans le juger. La compétence consiste à ne pas s'immerger dans le processus, mais à rester détaché et à travailler avec le coach pour résoudre le problème.

Un signe particulièrement révélateur de l'existence d'un processus parallèle est le fait que la dynamique de la relation ne ressemble pas à notre façon habituelle d'interagir, mais qu'elle semble plutôt sortir de l'ordinaire.

Par exemple, en tant que superviseur, je peux avoir l'impression de devenir critique à l'égard du supervisé, mais ce n'est pas ma façon habituelle d'agir. Il peut être intéressant de prêter une attention particulière à cette dynamique et de la porter à la connaissance du coach si nécessaire, au cas où il s'agirait d'un parallèle avec la relation coach - coaché.

Une chose dont il faut être conscient est qu'il peut parfois être tentant de voir des processus parallèles là où il n'y en a pas. Nos sentiments peuvent en fait être liés au contre-transfert en jeu plutôt que d'être une intuition transférée somatiquement par le système. En tant que superviseur, je peux être critique envers le supervisé parce qu'il me rappelle mon frère, envers lequel je peux ressentir un jugement.

Les questions du Mode 5 pourraient être les suivantes :

  • Lorsque nous discutons de votre client, nous semblons parler plus fort que d'habitude - je me demande si cela peut refléter d'une manière ou d'une autre votre relation de coaching ?
  • Je suis curieux de savoir comment la dynamique que vous décrivez pourrait être en jeu dans notre relation ici et maintenant ?

Mode 6. La réflexivité du superviseur

Ce mode est axé sur le "ici et maintenant" du superviseur. Il s'agit de partager nos propres sentiments et réactions dans le but de susciter la découverte et le dialogue.

Le mode 6 peut être étroitement lié au mode 5 - partager ce qui se passe pour le superviseur peut apporter un éclairage supplémentaire à la relation de coaching, car ces sentiments peuvent être transférés sur le plan somatique.

La compétence du superviseur est d'être capable d'écouter ce qui est dit tout en étant attentif à son propre processus interne. Cela peut inclure le partage de pensées, de sentiments ou d'images au fur et à mesure qu'ils surgissent pendant la séance. Il s'agit de nommer les choses comme elles viennent et d'éviter l'autocensure car tout a potentiellement une utilité dans la supervision.

Ce qui peut être difficile avec cet œil, c'est d'avoir suffisamment de conscience de soi pour savoir quand un sentiment provient d'ailleurs et quand il nous appartient. Si nous ne faisons pas attention, nous risquons d'attribuer à tort un simple sentiment comme la fatigue ou l'ennui pendant la dernière séance de la journée à des idées pertinentes pour la situation du client.

Une sous-catégorie intéressante du mode 6 est le mode 6a appelé la relation fantasmée avec le client. Il peut être utile de faire part de tout sentiment que l'on peut développer à l'égard du client pendant la séance, au cas où cela pourrait être un point utile à explorer.

Les questions du Mode 6 pourraient être les suivantes :
Les questions et les feedbacks réels dépendront largement de ce qui émerge pour le superviseur sur le moment, par exemple :

  • Je remarque que je me sens x (triste/en colère/impatient/ soulagé etc.) (mode 6). Pouvez-vous donner une signification à ce sentiment en pensant à votre client (mode 5) ?
  • Je remarque que je commence à ressentir de l'envie envers votre client, ce qui est inhabituel pour moi (mode 6a). Ce sentiment a-t-il un sens pour vous ?

Mode 7. Le contexte élargi

Ce mode permet d'obtenir une vue d'ensemble du système et d'explorer les influences extérieures - ce qui ou qui n'est pas dans la pièce, mais qui a un impact.

Le superviseur, le coach et le client opèrent tous dans le cadre de leurs propres contextes élargis, par exemple organisationnels, sociaux, culturels ou éthiques. Ces systèmes auront leurs propres dynamiques de pouvoir et de culture à l'œuvre.

L'œil 7 consiste à les réintroduire consciemment dans le paysage. L'objectif du superviseur est d'aider le supervisé à prendre de la hauteur et à explorer si et comment le système peut affecter la mentalité, les comportements, les ambitions, les attentes ou les émotions de son client.

L'influence systémique est un terme tellement large - en réalité, il peut s'agir de n'importe quoi, de la culture d'entreprise aux normes de la société, en passant par les membres de la famille qui ne sont pas dans la pièce, mais qui influencent les progrès de la personne à coacher.

Les questions du Mode 7 pourraient être les suivantes :

  • Quelles sont les autres personnes évoquées par le coaché lors de vos séances ?
  • Qu'avez-vous appris sur les valeurs, les règles et les croyances existant dans le monde du client ? Comment se manifestent-elles dans ses relations ?
  • Comment les pressions sociales, politiques et économiques se manifestent-elles chez la personne à coacher ?

Pour résumer

Le principal avantage de ce modèle est la diversité des sept perspectives différentes auxquelles il invite et son pouvoir d'élargir le champ d'exploration.

Comme pour tout modèle, il s'agit d'un cadre de travail qui est là pour nous aider en tant que superviseurs tout en restant pleinement présent avec le supervisé. Ces perspectives peuvent être explorées en un court laps de temps, au cours d'une seule séance comme tout au long du parcours.

Cela nous entraîne à passer d'un point de vue à un autre et à considérer des points de vue qui ne sont pas forcément habituels. Il en résulte une prise de conscience accrue des autres perspectives et facteurs qui peuvent influencer le client et la relation dans son ensemble.

Le modèle met l'accent sur l'endroit où il faut regarder plutôt que sur ce qu'il faut chercher. Cela le rend intemporel et universel, applicable quelle que soit l'approche théorique ou le style du superviseur.