Indicateur Lean - Rouge c'est bon, Vert c'est sans valeur
Auteur : Russell Rhea
Source : Lean metrics: Red is good, green is worthless
Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 21/04/2014
Traduction :
Lorsque j'étais dans la Navy, je me souviens avoir eu un chef qui suivait le mantra suivant dans son management quotidien : "Si vous ne mesurez pas, vous ne maîtrisez pas." Nous avions des indicateurs pour tout, et nous les regardions régulièrement.
Je me souviens avoir passé d'innombrables longues heures à essayer de comprendre comment pouvoir expliquer et justifier que les indicateurs étaient dans le "rouge". Je voyais ma santé et ma carrière partir à l'égout à chaque fois que ma grande feuille d'indicateurs rouges était roulée en boule et jetée contre le mur de la salle de conférence, généralement suivie par un commentaire du chef : "Quel est le problème, lieutenant ? Vous devez résoudre ce problème."
Dans le monde traditionnel du management, notre amour des graphiques d'indicateurs verts, jaunes, rouges, est guidé par notre paranoïa permanente d' "auto-préservation" pour aller de l'avant malgré le "rouge". Le rouge c'est mauvais, le vert c'est bon. Sachant cela, les managers négocient férocement des objectifs facilement atteignables, notamment pour ne pas avoir à expliquer pourquoi ils ont "échoué".
Dans le monde du management lean, l'état d'esprit est complètement inversé. Lorsque la grande feuille d'indicateurs rouges apparaît, la réponse des gens de l'étage est typiquement : "Super ! Merci d'avoir attiré notre attention là-dessus. Que pouvons-nous faire pour résoudre le problème ?". Dans le management lean, les problèmes sont considérés comme des opportunités (pas des échecs). Les managers lean voient les problèmes comme de l'or à extraire de la mine, et sont impitoyables avec le problème, et non avec les personnes. Ils considèrent un tableau "vert" comme étant sans valeur : si vous êtes vert, où concentrez-vous vos efforts d'amélioration ?
Une fois, j'ai suivi une formation de Pascal Dennis, qui a travaillé pour et avec Katsuaki Watanabe (aujourd'hui président de Toyota), c'était avec d'autres maîtres lean d'Amérique du Nord et du Japon et ça se passait chez Toyota Motor Manufacturing au Canada. Il a rappelé l'histoire de K. Watanabe qui visite une usine en marchant. Les managers locaux étaient très excités et fiers de lui montrer leurs indicateurs, puisqu'ils étaient tous verts. Ils furent anéantis par sa réponse: "Ah... pas de problèmes... donc pas besoin de managers..." Son point de vue était évidemment que s'ils travaillaient dans une zone de confort avec des indicateurs qui ne les conduisaient pas à attaquer les gaspillages, alors ils ne faisaient pas leur travail. Ce que vous voulez ce sont des employés qui se bousculent pour amener les problèmes sur la table.
Dans un environnement lean, tous les efforts se concentrent sur l'élimination des gaspillages dans l'environnement de travail via le processus d'amélioration continue. Tous les indicateurs lean et les objectifs liés devraient être axés sur l'élimination des gaspillages. Le gaspillage est une pépite d'or.
Dans le monde lean, les employés doivent comprendre et être en mesure de traduire les objectifs stratégiques lean de l'entreprise dans le cadre du travail qu'ils font sur le terrain. Ils doivent savoir qu'ils seront récompensés s'ils mettent en avant un problème ou un obstacle qui, une fois résolu, rendra l'organisation plus efficace.
Le management doit leur donner les moyens (empower) de résoudre les problèmes là où ils peuvent, et doit monter au créneau pour eux lorsqu'il s'agit d'éliminer des obstacles qui ne peuvent être résolus par eux. Beaucoup de monde dans le monde traditionnel l'évoque sous le terme de programme "subtil" (suggestion). S'il vous faut un programme formel pour mettre les idées en lumière, vous n'êtes pas une organisation lean. Chaque employé doit avoir le désir inné de s'attaquer aux gaspillages, et un chemin clair vers la personne ou le dispositif qui peut les amener à la résolution. Ils doivent savoir et accepter que des bénéfices tangibles et intangibles seront récoltés par l'organisation, des bénéfices qui pourront ou non les toucher directement. Je ne suggère pas que les employés ne soient pas récompensés pour avoir aidé à passer au travers d'une barrière de gaspillages. Je soutiens que les employés veulent le faire pour le bien de l'organisation, car ils ont le sentiment authentique que, dans le long terme, ils en bénéficieront. Ils savent que leurs efforts contribueront à assurer la viabilité à long terme de l'organisation, ce qui revient à garantir la sécurité de leurs emplois dans l'avenir.
Donc, la prochaine fois que vous voyez un indicateur rouge, criez "chouette" (hallelujah), honorer le porteur des "bonnes" nouvelles, et commencez à creuser le problème pour trouver des gaspillages qui ralentissent votre organisation. Et le prochain indicateur vert que vous voyez ... renvoyez-le à la planche à dessin.
A propos de l'auteur :Russell Rhea représente l'U.S. Air Force’s OC-ALC Transformation Office à Oklahoma City. Cet article a été publié dans le Tinker Takeoff, le journal de l'Air Logistics Center d'Oklahoma City.